Sarrah, fulleuse underground [Terminée]

Je ne pense pas à avoir grand-chose à dire sur mon histoire.

Si ce n’est que oui j’ai été abandonnée à la naissance par ma mère. Un accouchement sous X avec pour produit un bébé prénommé Sarrah laissé aux services de l’Aide Sociale à l’Enfance d’Ile de France. Je n’use jamais de mon nom de famille qui m’a été donné par l’Administration donc je ne vous le donnerais pas. J’ai grandis en Maison d’Enfance à Caractère Sociale entouré d’enfants plus ou moins semblables à moi et des éducateurs.

Comme on peut en douter, mon enfance et mon adolescence n’ont pas été de longs fleuves tranquilles. Échecs scolaires, de placements en famille d’accueil, rébellion constante, colères violentes, drogues, alcool en tout genre et mauvaises fréquentations, … Il n’y a pas à dire, j’en ai fait baver.

J’en souris presque maintenant tant ça me parait cliché.

Seulement, difficile pour un enfant de comprendre pourquoi on l’a abandonné, pourquoi personne ne veut de lui. S’y ajoute les changements que subit son corps, les hormones et tout ça. Les échecs constants et l’impression d’être un rébus de la société s’accumule ensuite. Enfin bref, un cocktail explosif.

Sarrah, fulleuse.

Heureusement, pour m’aider à canaliser mon énergie, Eric, une des rares personnes pour qui j’ai eu énormément de respect, m’a fait découvrir la boxe à l’âge de onze ans. Il était l’éducateur chargé de mon cas.

Sans lui, je serais passée à coté de la passion de ma vie : la boxe full-contact.

« Le Full contact est une discipline de sport de combat de percussion pieds poings, où l’intention d’un combattant est de battre son adversaire par la force, la technique, la tactique et la pleine puissance des coups. » On appelle fulleur ou fulleuse celui ou celle qui pratique cette discipline. C’est la définition officielle. En somme c’est un mélange de karaté, de boxe française, anglaise, … et qui autorise le contact. Plus vous avancez en niveau dans cette discipline, plus les combats sont violents, les contacts autorisés.

La première fois où je suis entrée dans une salle de boxe, la première fois où je me suis entrainée, la première fois où je me suis écroulée au sol de fatigue, je me suis sentie merveilleusement bien. Apaisée. Vide. Calme. Profondément. J’en suis devenue accro. La sueur, mes poings fermés et dressés face à soi, le corps tendu dans l’effort, le contact visuel avec l’adversaire, la douleur,… J’aime toutes ces sensations. Je ne me sens jamais plus vivante que sur un ring ou en plein combat.

Pour en revenir à mon passé, j’étais douée en boxe. Je fus rapidement repérée et me mise au bout de deux ans à faire des compétitions. A quinze ans, je gagnais ma première médaille. A seize, je fus sélectionnée en départementale que je remportais. L’année suivante, c’était les régionales. J’étais fière. Très. Mais j’ai dérapé.

Bien que maintenant ça me sauve la mise.

En commençant à me faire un nom dans le milieu, de nouvelles personnes se sont mises à m’approcher. Bien loin des petites frappes des cités, des jeunes en mal de sensations; de gros poissons sont apparus dans mon entourage. Et ils m’ont fait des propositions alléchantes : celles de gagner beaucoup d’argent et de relever de nouveaux défis plus pimentés. N’ayant que peu d’espoirs quant à la possibilité d’obtenir un emploi stable avec un simple CAP et commençant à m’ennuyer de la pratique en salle bien trop lisse, j’ai vite accepté. Le deal était de gagner des combats clandestins contre une part sur l’argent parié. Tout était autorisé. Et pas de combat avec des gants de salle, non. Juste nos poings. Au fil du temps, les sommes devenaient astronomiques et la violence croissante. C’est à cette époque, vers mes dix-neuf ans que je commençais à me battre avec mes coups de poings américains. Bonjour les dégâts… Et il n’y avait pas que ça…

Une sale période de ma vie.

A tout faire et tout tenter pour me sentir vivante. Sans réellement y arriver autre part que lors d’un combat… Et encore. La compétition maniérée toute en technique et la beauté des gestes me manquaient. Les salles hors underground me manquaient. La lumière du soleil de même. Cette vie nocturne et décousue m’inspirait un dégoût de plus en plus prononcé. Je suis donc partie. Disparue de tous les circuits du jour au lendemain. J’avais quelques économies et j’ai vécu en recluse plusieurs mois, à me cacher de mes anciennes connaissances qui ne rigolaient pas avec les déserteurs du dimanche. Je ne faisais plus rien. Ma mélancolie perpétuelle c’était renforcée et j’ai traversé la plus grosse crise de ma vie. Bizarrement, alors que plus rien ne le reliait à moi, Eric m’a aidé à redresser la barre. A reprendre la boxe. Je venais d’avoir vingt et un an mais j’avais l’impression d’en avoir cent.  
Et c’est alors que l’apocalypse nous a frappés…

Sarrah, Hyène et survivante.

Eric est mort dans les bombardements. Dans mes bras. La seule personne qui m’avait tendu la main, cru en moi, fais confiance. La personne qui se rapprochait le plus d’une famille pour moi. Il est mort.

Pas besoin d’en dire plus.  

J’ai vagabondé, survécu, je ne sais comment à tous ça. Période noire de plus,… Et puis j’ai croisé la route de Cratos et de ses dégénérés. Totalement par hasard. En pleine recherche de nourriture, je me suis retrouvée nez à nez avec deux, trois infectés que j’ai rapidement mis hors état de nuire. Je pensais être seule, mais des spectateurs incongrus c’étaient incrustés à la scène. Ils étaient cinq. Armés, pas l’air aimable et aux styles bien à eux. Nous nous sommes dévisagés en silence. Je passais de visage en visage, évaluant leurs capacités et leur dangerosité. L’un d’eux, se sentant peut-être offensé ou voulant briller devant Cratos, se précipita sur moi, plus bête qu’homme. Il était jeune, fougueux mais maladroit. Brandissant une barre métallique, il ne cessait de brasser l’air en beuglant des insanités bestiales.

Amateur.

En position de garde, j’esquivais son premier coup qui l’amena à dévoiler son flanc gauche. Ni une ni deux, un Front-kick en « lancée tendue » lui coupa le souffle, le stoppant net dans ses velléités. Me rapprochant de lui de trois pas rapides, je me mis à l’accabler de coups. Uppercut, overcut, short-straight-punch, hook-punch, … Mes poings américains à pointes déchirèrent ses vêtements et ses chairs. Sous la violence de l’assaut, il ne put réagir et tomba au sol, commotionné. Entrainée dans mon élan, l’habitude y étant pour beaucoup, je sortie mon couteau de cuisine de ma doudoune. Je levais alors les yeux vers ses comparses. Certains lançaient des regards à l’intention d’un homme un peu plus grand que moi, aux cheveux bleus. Ce dernier fut le seul à soutenir mon regard, ne pipant mot, une étrange lueur brillant au fond de ses pupilles. Leur chef sans aucun doute. Haussant des épaules et sentant que personne ne s’interposerait, je tranchais la gorge du sagouin au sol sans plus de sommation.

Je me redressais et plantais mes yeux bleus dans ceux de l’homme aux cheveux turquoise.
« Il semblerait qu’une place se soit libérée au sein de votre groupe… »
Un sourire sadique me répondit.

And now…

Un an et demi est passé depuis que je suis arrivée au sein des Hyènes. La plupart des membres sont des tarés, mais ils sont libres et assument ce qu’ils sont. Étrange de voir un agrégat de gens aussi différents et affirmés arriver à coexister, cohabiter. Admirable et c’est sans nul doute grâce à l’autorité et au charisme de Cratos.

Au sein de l’usine, je suis chargée de petites missions comme chercher de la nourriture ou autre denrées. Dans certains cas, je peux partir en éclaireur sur des sorties. La plupart du temps sinon, je suis à l’usine, à m’entrainer ou à apprendre à ceux qui le souhaite les rudiments de base de la boxe.  

Peut-être me croiserez-vous au détour d’une ruine ou sur le toit de l’usine, d’ici là, bon vent !

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